le statut de salarié protégé n’est pas un totem d’immunité !

sexisme

Propos sexistes et racistes :

Dans une récente décision du 7 octobre 2022 (1), le Conseil d’Etat est venu rappeler avec force les contours du statut protecteur des représentants du personnel. S’ils ne peuvent être licenciés en raison de l’exercice de leur mandat et sans l’autorisation motivée de l’inspection du travail (2), la protection dont ils bénéficient n’a rien d’absolu. Qu’ils soient délégués syndicaux ou membres du CSE, elle ne leur procure aucune immunité disciplinaire.

Institué avant tout dans l’intérêt de la collectivité des travailleurs, le statut de salarié protégé ne met donc pas celui-ci à l’abri d’un licenciement pour faute, si tant est qu’une « faute d’une gravité suffisante » le justifie.

Dans cette affaire, le représentant du personnel avait alors tenu des propos visant « systématiquement et de manière répétée des salariées ayant pour point commun d’être des femmes, supposément d’origine magrébine et de confession musulmane, qui au surplus, se trouvaient sous sa responsabilité ».

La décision de l’inspection du Travail peut toujours être contestée

 

L’employeur doit impérativement recueillir l’autorisation de l’inspection du travail pour licencier un salarié protégé (11). En principe, le refus motivé de l’inspecteur l’empêche d’agir. Cependant, cette décision pourra toujours faire l’objet, comme cela a été le cas dans l’affaire citée, d’un recours gracieux (auprès de l’inspecteur lui-même) ou alors d’un recours hiérarchique (auprès du ministre du Travail). Un salarié protégé ne pourra donc pas déduire de la position de l’inspecteur qu’il a définitivement échappé à tout licenciement. 

Plus que de simples « propos triviaux »

Dans une formule dénuée d’ambiguïté, le Conseil d’Etat énonce que les propos du salarié, « dès lors qu’ils revêtent un caractère raciste pour certains, et sexiste pour d’autres, (ne peuvent) être réduits à des propos triviaux ». Le licenciement du salarié était donc justifié, peu important en l’occurrence ses rapports tendus avec l’employeur ou son absence d’antécédents disciplinaires. La Haute Cour adresse ainsi un tacle net à la Cour administrative d’appel qui avait estimé que les propos en question, bien que blessants, « brutaux et maladroits », « déplacés et sexistes », n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

La solution n’est pas inédite :

Dès 1995, la jurisprudence a reconnu que des propos racistes tenus à ce moment là par un salarié protégé constituaient bien une faute d’une gravité suffisante de nature à justifier la rupture de son contrat de travail (3). Il en va de même des « propos à connotation sexuelle, grossiers et dégradants » (4). Dans ces circonstances, l’exigence d’impartialité et d’exhaustivité de l’enquête n’est pas remise en cause. En outre, le fait que l’enquête ait été conduite à l’insu du salarié mis en cause ne constitue pas davantage un moyen de preuve déloyal (7).

 

Attention, toutefois, l’enquête ne fait pas tout : encore faut-il rappeler qu’elle n’est qu’un mode de preuve parmi d’autres.

 

Ce n’est pas parce qu’elle conclut à l’absence de harcèlement que les juges ne pourront alors pas statuer dans un sens contraire, au vu des autres éléments apportés par le salarié se disant victime (8). 

En dehors des propos et actes discriminatoires, nombre de motifs peuvent ainsi fonder la décision de licencier un représentant du personnel. Aussi, pas plus qu’un salarié « normal », un salarié protégé ne peut :

– participer directement à une activité commerciale concurrente de l’entreprise (5) ;

– commettre de graves négligences dans l’exercice de ses fonctions (6) ;

– dénigrer de manière systématique les modes de gestion de l’employeur (7) ;

– partir en congés plus longtemps que ce à quoi il a été autorisé (8) ;

– refuser d’exécuter, sans explications, certaines tâches relevant de sa compétence (9) ;

– s’absenter régulièrement malgré les refus de l’employeur (10).

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