En phase avec ses missions de défense des conditions de travail des salariés et de santé sécurité au travail, le CSE dispose non pas d’un mais de plusieurs droits d’alerte qu’il peut mettre en œuvre en fonction des situations rencontrées ! Il est important pour les élus de bien connaître leurs prérogatives et leurs outils à actionner.
Le droit d’alerte du CSE en cas de danger grave et imminent
La procédure
- Signalement du danger : lorsqu’un membre du CSE constate qu’il existe un danger grave et imminent (éventuellement par l’intermédiaire d’un salarié faisant jouer son droit de retrait), il en avise immédiatement l’employeur et consigne son avis dans un registre prévu à cet effet.
Le registre des dangers graves et imminents contient l’avis du représentant du personnel à l’origine du droit d’alerte. Cet avis contient des mentions obligatoires : le ou les postes de travail concernés, la nature du danger et sa cause, le nom du ou des salariés exposés. L’avis doit être est daté et signé (article D 4132-1 du Code du travail). C’est l’employeur qui détient l’obligation de mettre en place le registre.
Enquête : par la suite, l’employeur procède sur le champ à une enquête avec le membre du CSE qui lui a signalé le danger et prend les dispositions pour y remédier !
Le libellé du Code du travail est clair et ne laisse pas place à l’interprétation, le représentant du CSE doit participer à l’enquête avec l’employeur, il s’agit donc d’une enquête conjointe. L’employeur ne peut refuser de procéder à l’enquête au motif que le droit d’alerte est infondé.
Lors de l’enquête, les lieux de travail signalés comme dangereux sont examinés, une prise de contact avec les salariés concernés est éventuellement réalisée.
Le but est de remédier immédiatement à la situation et de faire cesser au plus vite le risque !
Après cette enquête, l’employeur adresse une fiche explicative à l’Inspection du travail dans les 15 jours. Cette dernière doit être signée à la fois du représentant du personnel et de l’employeur.
Si le danger cesse, la procédure s’arrête à cette étape. Toutefois, si le représentant du salarié et l’employeur sont en désaccord sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CSE est réuni d’urgence dans un délai n’excédant pas 24 heures !
L’employeur est tenu d’informer immédiatement l’inspecteur du travail et l’agent de la CARSAT qui peuvent assister à la réunion du CSE (article L 4132-3 du Code du travail).
Sans accord entre l’employeur et la majorité du CSE, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur. Il pourra alors, en fonction de la situation, mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour remédier au danger ou saisir le juge de la procédure de référé (article L 4132-4 du Code du travail) lorsqu’un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur résulte de l’inobservation des dispositions relatives à la santé et la sécurité au travail.
Bien sûr, l’inspecteur du travail peut également décider de ne pas donner suite à l’alerte s’il est convaincu de l’absence de danger. C’est donc, en cas de désaccord, l’Inspection du travail qui a le dernier mot !
Lorsqu’un membre du CSE exerce son droit d’alerte en cas de danger grave et imminent, le temps consacré à la recherche de mesures préventives et correctives n’est pas décompté du crédit d’heures de délégation.
Mais dans les faits, qu’est-ce qu’un danger grave et imminent ?
Le Code du travail n’apporte aucune définition à cette notion. C’est donc la jurisprudence qui, au fil des affaires, est venue encadrer, préciser et définir le danger grave et imminent.
L’administration précise « Est grave tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » et « Est imminent tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai proche ».
Le droit d’alerte économique
Lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications(article L 2312-63 du Code du travail). Les faits sont préoccupants dès qu’ils peuvent avoir une incidence sur la pérennité de l’entreprise ou des emplois.
La procédure
La demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion.
Si le CSE n’a pas obtenu de réponses suffisantes de l’employeur ou si celles-ci confirment le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport, transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes. Le rapport émet un avis sur l’opportunité de saisir l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance ou d’en informer les associés dans les autres formes de sociétés.
Le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable (dans cette situation, le financement se fera à hauteur de 80% par l’employeur et de 20% par le CSE).
Le droit d’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement
La procédure
Le représentant du personnel qui constate qu’il existe un risque grave pour la santé publique ou l’environnement en alerte immédiatement son employeur (notamment les produits utilisés ou procédés de fabrication) (article L 4133-2 du Code du travail).
L’alerte doit être consignée par écrit dans le registre de consignation des alertes, tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à disposition des élus (article D 4133-2 du Code du travail).
Alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes
Dans cette situation, il peut s’agir, parmi d’autres, d’une violation des droits au respect de la vie privée ou de mener une vie familiale, d’une atteinte à la liberté d’expression ou d’opinion, aux règles régissant la vidéo-surveillance ou encore au droit de grève.
La procédure
L’article L 2312-59 du Code du travail dispose que, si un membre du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuellesdans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il saisit immédiatement l’employeur.
Enquête : l’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre du CSE et prend les dispositions nécessaires pour remédier à la situation !
En cas d’inefficacité de l’enquête, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond. Un membre du CSE peut également tout à fait saisir le CPH si le salarié concerné ne s’y oppose pas.
Dans une affaire de juin 2009, la Cour de cassation a jugé le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits fondamentaux des personnes justifié lorsque l’employeur a demandé à son administrateur réseau de contrôler les ordinateurs de certains salariés (Cass. Soc. 17 06 2009, n°08-40.274).
Le droit d’alerte sociale
Cette alerte s’inscrit dans un cadre de recours abusif, de la part de l’employeur, aux contrats de travail dits « précaires », par opposition aux CDI.
La procédure
Lorsque le nombre de titulaires de CDD et d’intérimaires connaît un accroissement important par rapport à la situation existant lors de la dernière réunion du CSE abordant le sujet, la question est inscrite de plein droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion du CSE si la majorité des membres le demande.
L’employeur fournit alors au CSE les données liées aux CDD et travailleurs temporaires (leur nombre, les motifs de recours, les durées des contrats…).
Si le CSE conclue que le recours à ce type de contrats dits précaires est abusif, il peut saisir l’inspection du travail qui adressera un rapport à l’employeur.
L’inspection du travail peut effectuer une enquête sur place, demander des précisions à l’employeur et apprécier les conditions de recours au travail précaire. S’il constate que le recours est abusif, il adresse à l’employeur un constat et lui demande d’élaborer un plan de résorption de la précarité.
L’employeur devra communiquer au CSE sa réponse à l’inspection du travail comprenant les mesures mises en place pour limiter ces formes de contrats de travail.
Ce droit d’alerte est étroitement lié avec le principe selon lequel le CDI est la forme normale de l’emploi et qu’il faut y recourir pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Les CSE des entreprises de moins de 50 salariés disposent seulement des droits d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, de danger grave et imminent et de risque grave pour la santé publique ou l’environnement.
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