Comprendre le harcèlement moral et ses conséquences
Pour comprendre comment le CSE peut intervenir en cas de harcèlement, il est tout d’abord utile de faire un point sur le harcèlement moral et ses conséquences.
Définition légale du harcèlement moral
Selon l’article L.1152-1 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Le harcèlement moral est donc un délit qui peut être puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Impact sur l’entreprise et les salariés
Le harcèlement moral va impliquer différentes conséquences, que cela soit pour l’entreprise ou pour les salariés.
Conséquences pour l’entreprise
La présence de harcèlement moral au sein de l’entreprise va entraîner des répercussions sur l’entreprise, telles que :
- Un absentéisme important.
- Un fort turnover.
- Une démotivation des salariés.
- Une perte de productivité.
- Une détérioration du climat social,
- Des litiges et procédures judiciaires…
Conséquences pour les salariés
Le harcèlement moral va engendrer plusieurs effets négatifs sur la santé du salarié.
On peut noter dans un premier temps des symptômes de stress, tels que la nervosité, l’anxiété, les troubles du sommeil, les douleurs musculaires… Si la situation perdure, sans être prise en compte et sans soutien, alors les symptômes précédents peuvent se transformer, relativement rapidement (quelques mois), en troubles psychiques ou somatiques avérés.
En parallèle, la vie professionnelle du salarié harcelé moralement est fortement affectée avec, généralement, un désinvestissement professionnel, une diminution de la satisfaction au travail, une dégradation des relations avec les autres salariés, voire un isolement…
Rôle du CSE dans les situations de harcèlement moral
En cas de harcèlement moral, les élus du CSE vont pouvoir intervenir de différentes façons.
Moyens du CSE
En cas de constat de harcèlement moral, les représentants du personnel disposent notamment de :
- La mise en place d’une enquête conjointe (employeur/CSE) suite à l’exercice du droit d’alerte CSE.
- La saisine des autorités de contrôle (inspecteur du travail, conseil de prud’hommes…).
Collaboration avec l’employeur
En cas de constat ou de signalement de faits de harcèlement moral, les élus du CSE doivent en priorité avertir l’employeur ou son représentant, afin que ceux-ci puissent mettre en place les mesures adéquates pour faire cesser la situation.
Lorsque l’employeur diligente une enquête à la suite d’un signalement ou d’une plainte d’un salarié, il peut choisir de confier l’enquête interne à la DRH et non aux élus (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-22.058).
Il convient donc de distinguer le cas de l’enquête interne réalisée à la suite de l’exercice du droit d’alerte par le CSE (notamment du droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles) et l’enquête interne menée à l’initiative du seul employeur à la suite d’une dénonciation de faits de harcèlement moral.
Alors que l’enquête interne résultant du droit d’alerte d’un membre du CSE revêt l’obligation pour l’employeur de faire une enquête conjointe (CSE et employeur), tel n’est pas le cas lorsque l’employeur a connaissance directement de faits de harcèlement (sans intervention du CSE).
Procédure d’enquête CSE pour harcèlement moral
Le Code du travail ne précise pas les modalités de l’enquête conjointe menée par l’employeur et par le ou les membres de la délégation du personnel qui ont effectué(s) l’alerte.
Cependant, l’enquête CSE pour harcèlement peut suivre la procédure suivante.
Déclenchement de l’enquête
Avant de parler d’enquête, il est opportun que les élus réalisent un premier contact sous forme d’entretien informel avec le ou les salarié(s) se plaignant de harcèlement moral. Cet entretien permet de réaliser un premier diagnostic de la situation.
Par la suite, au cours d’une réunion extraordinaire, le CSE va examiner la plainte en remontant les informations obtenues lors de l’entretien précédent. Puis les élus vont voter sur le principe de l’enquête. Enfin, ils vont décider de l’organisation, du déroulement de l’enquête et de la composition de la commission d’enquête, si ces éléments n’ont pas été prévus dans le règlement intérieur du CSE.
Conduite de l’enquête
Lors de l’enquête, la commission va organiser des entretiens formels avec les salariés impliqués directement ou indirectement afin de recueillir des éléments factuels sur les faits qui se sont déroulés. Ces entretiens peuvent se dérouler de façon collective ou individuelle.
Les membres de la commission vont également pouvoir analyser les documents utiles à une meilleure compréhension de la situation, mais aussi vérifier l’existence ou non de mesures de prévention existantes. Il peut s’agir :
- Du document unique d’évaluation des risques professionnels.
- Du relevé des heures effectivement réalisées.
- Du planning.
- Des objectifs du salarié…
Résultats et mesures à prendre
Une fois les faits recueillis et analysés, la commission d’enquête pour harcèlement du CSE va retracer les faits de manière précise et objective et rechercher les causes organisationnelles et/ou les méthodes managériales qui ont abouti à cette situation.
Ils vont chercher à répondre à des questions telles que :
- Quels sont les faits ?
- Quels facteurs ont favorisé la survenue du harcèlement ?
- Quels éléments de l’organisation au travail ont abouti à cette situation ?
En répondant à ces éléments, les élus vont réfléchir à des mesures de prévention afin de supprimer les faits de harcèlement.
Décisions du CSE
Afin de présenter le rapport et les conclusions de l’enquête, une réunion extraordinaire est organisée.
Lors de celle-ci, les élus vont pouvoir émettre des observations et décider de :
- Continuer l’enquête afin de recueillir plus d’éléments.
- Soumettre le rapport de la commission au vote afin de le valider.
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- Maîtriser les outils de détection et de prévention des risques psychosociaux.
- Connaître les moyens d’intervention à disposition des membres du CSE.
- Savoir comment gérer une situation d’urgence.
FAQ
Non, lorsque l’employeur mène une enquête de sa propre initiative sans que celle-ci soit liée à l’exercice d’un droit d’alerte par le CSE, il n’y a aucune obligation légale d’associer le CSE.
Existe-t-il des modalités d’enquête spécifiques lorsque des membres du CSE sont mis en cause ?
Non, en effet, en cas d’enquête conjointe entre l’employeur et le CSE (donc suite à l’alerte d’un des membres du comité), il est peu probable que ce soit l’élu suspecté qui soit chargé de l’enquête.
Dans le cas de l’enquête menée par l’employeur, il n’existe pas non plus de dispositions particulières.
L’enquête conjointe menée par le CSE et l’employeur à la suite de l’exercice du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes peut entraîner une carence de l’employeur (celui n’agit pas pour faire cesser les faits, par exemple) ou une divergence sur la réalité de cette atteinte (article L2312-59 du Code du travail).
Le Code du travail prévoit qu’en cas de divergence d’avis sur la réalité du harcèlement ou à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié ou le membre du CSE, si le salarié averti par écrit ne s’y oppose pas, peut saisir le conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond (article L. 2312-59 du Code du travail)
Une fois saisi, le conseil de prud'hommes peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte.
Dans le cadre d’une enquête conjointe entre le CSE et l’employeur à la suite de l’exercice du droit d’alerte, le rapport est en principe commun. Ce rapport peut toutefois faire état des divergences d’opinions entre l’employeur et le CSE.
En cas d’enquête menée seulement du côté de l’employeur, aucune disposition légale n’impose à l’employeur de remettre au CSE son rapport.
Dans le cadre d’une enquête conjointe, un membre du CSE est nécessairement présent lors des auditions. L’objectif est d’accompagner le salarié victime (et également le salarié mis en cause) dans la défense de ses droits et afin de retracer les faits relatés.
Le membre du CSE se doit dans tous les cas d’être objectif. Son rôle n’est pas de désigner un responsable, mais bien de retracer les faits de manière précise et objective afin que l’employeur puisse, dans un second temps, prendre les mesures nécessaires afin de protéger le salarié victime et de prendre éventuellement des sanctions contre le salarié mis en cause si les faits sont avérés.
Dans le cadre de l’enquête menée par le seul employeur à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral, le salarié peut demander à être accompagné par un membre du CSE. Toutefois, le Code du travail ne prévoit pas d’obligation pour l’employeur d’accepter la présence d’un élu CSE lors de ces auditions.
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