Harcèlement au travail et enquête interne :

le champ des possibles

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Enquête interne ?

Si l’on en croit une récente étude*, une majorité de salariés estime que le harcèlement au travail tend à s’accroître (62%). Pour autant, en pratique, rares sont encore les faits dont l’employeur est informé (34%). Cette circonstance est toutefois déterminante car une fois averti, ce dernier devra impérativement diligenter une enquête interne.  

Il résulte en effet de l’obligation de sécurité de l’employeur (1) de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir, faire cesser et sanctionner le harcèlement qui a cours dans son entreprise, et ce, qu’il s’agisse de harcèlement sexuel ou moral (2).

Le déclenchement d’une enquête relève donc d’une obligation dont l’employeur ne peut pas s’affranchir (3). Cela étant, il n’en reste pas moins libre de la manière dont il souhaite la mettre en œuvre. Plusieurs décisions jurisprudentielles récentes sont venues nous le rappeler.

Sous réserve que les investigations respectent les principes d’impartialité, de confidentialité et de loyauté, l’employeur peut notamment :

  • Désigner lui-même les personnes qui vont procéder à l’enquête, personnels du service des ressources humaines, tiers, représentants du personnel (4) ;
  • Déterminer qui et combien de personnes il convient d’interroger ainsi que les documents à examiner (5).

Autant de libertés qu’il tient de son pouvoir de direction. C’est ensuite son pouvoir de sanction qui devra être mobilisé si le rapport d’enquête venait à confirmer les faits.

Même confiée à la DRH, l’enquête est

un mode de preuve valable

Loin de n’être qu’une simple formalité, l’enquête peut avoir d’importantes répercussions sur l’issue du dossier.

La jurisprudence nous indique ainsi qu’elle constitue un mode de preuve valable, quand bien même elle serait lacunaire (6). Dès lors, ses conclusions ne peuvent pas être écartées au motif qu’elle a été confiée à la direction des ressources humaines et pas au CHSCT (aujourd’hui CSE), que l’ensemble des salariés composant le service concerné n’ont pas été interrogés, ou encore que l’employeur ne s’est pas justifié quant aux critères qu’il a utilisés pour choisir les témoins.

Dans ces circonstances, l’exigence d’impartialité et d’exhaustivité de l’enquête n’est pas remise en cause. En outre, le fait que l’enquête ait été conduite à l’insu du salarié mis en cause ne constitue pas davantage un moyen de preuve déloyal (7).

Attention, toutefois, l’enquête ne fait pas tout : encore faut-il rappeler qu’elle n’est qu’un mode de preuve parmi d’autres.

Ce n’est pas parce qu’elle conclut à l’absence de harcèlement que les juges ne pourront pas statuer dans un sens contraire, au vu des autres éléments apportés par le salarié se disant victime (8). 

Enquête-interne

*Baromètre Ipsos pour le cabinet Qualisocial publié le 11 octobre 2022 et réalisé entre le 15 et le 19 septembre 2022 sur un échantillon de 2000 personnes travaillant dans une structure privée ou publique.

1) cf. art. L. 4121 et suivants, C. Trav.

2) cf. articles L. 1153-2 et L. 1152-4 du Code du travail.

3) cf. Cass. Soc. 27 novembre 2019, n°18-10.551.

4) cf. Cass. Soc. 17 mars 2021, n° 18-25.597.

5) cf. Cass. Soc. 8 janvier 2020, n°18-20.15.

6) cf. Cass. Soc. 1er juin 2022, n° 20-22.058.

7) cf. Cass. Soc. 17 mars 2021, n°18-25.597.

8) cf. Cass. Soc. 6 juillet 2022, n°21-12.204.

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