Loi « Marché du Travail » : a-t-on encore le droit de refuser un emploi ?

Maximum 2 refus sur 12 mois ...

Loi « Marché du Travail » : a-t-on encore le droit de refuser un emploi ?

   Il était déjà acté depuis 2008 que les salariés en CDD refusant de conclure un CDI à l’issue de leur contrat pour occuper « le même emploi ou un emploi similaire », étaient privés de leur indemnité de précarité(1). Désormais, ceux-ci pourront également perdre leurs droits à l’assurance chômage.

Définitivement adoptée le 17 décembre dernier, la loi « Marché du travail »(2) prévoit en effet que les salariés en CDD ou en intérim ayant refusé, au cours des 12 mois précédant le terme de leur contrat, deux propositions de CDI portant sur le même emploi ou sur un emploi similaire, sont privés du bénéfice des allocations de chômage(3).

Vivement contestée, cette mesure a néanmoins été jugée conforme à la Constitution(4). Pour s’appliquer, elle suppose que l’employeur (ou l’entreprise utilisatrice) respecte certaines règles :

  • Sa proposition de CDI doit être notifiée par écrit au salarié (ou au travailleur intérimaire) ;
  • Elle doit porter sur un même emploi ou un emploi « similaire », assorti d’une rémunération au moins équivalente ;
  • La classification et le lieu de travail doivent être les mêmes que ceux du CDD ou du contrat d’intérim au terme duquel la proposition de CDI est formulée.

     

En principe, le salarié refusant à deux reprises une offre qui remplit ces conditions ne devrait pas pouvoir échapper à la perte de ses droits au chômage, sauf à avoir été employé en CDI à un moment donné au cours de la période de 12 mois précédant le terme du CDD ou de la mission d’intérim.

Une « information » à Pôle emploi par l’employeur

Il est également prévu que l’employeur informe Pôle emploi du refus du salarié en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Dans l’attente des décrets d’application de la loi « Marché du travail », les modalités concrètes de mise en œuvre de cette communication – certains diraient « dénonciation » – ne sont pas encore connues.

 

La mention du refus et les justifications de l’employeur figureront-elles sur l’attestation Pôle emploi remise au salarié en fin de contrat ? En tout état de cause, la question se pose de savoir dans quelle mesure les entreprises se saisiront de cette information potentiellement explosive pour le salarié.

 

Ce qui apparaît clairement, en revanche, c’est la ressemblance entre le nouveau mécanisme et le dispositif de « l’offre raisonnable d’emploi » qui permet depuis 2008 de priver d’indemnisation et de radier les chômeurs ayant refusé à deux reprises une telle offre(6).

 

Cette similarité est d’autant plus nette qu’au-delà des salariés en CDD ou en intérim, la récente loi a modifié l’article L. 5422-1 du Code du travail afin que tout demandeur d’emploi ayant reçu 2 propositions de CDI au cours des 12 derniers mois se voit appliquer ce même régime. Dans ce cas, l’offre de CDI devra, tout comme « l’offre raisonnable », correspondre aux critères posés dans le Projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), que le demandeur d’emploi a préalablement défini avec son conseiller lors de son inscription à Pôle emploi.

 

Certains observateurs n’ont en tout cas pas manqué de questionner l’utilité de la réforme au regard de ses ambitions à lutter contre la précarité et les contrats courts. Aussi, concernant les salariés en CDI et les intérimaires, l’un d’entre eux relève qu’ « encore une fois, est à l’œuvre une conception orientée vers l’idée que les salariés abuseraient de leur droit à recourir aux CDD. Pourtant, en cas de refus d’accepter un CDI dans des conditions similaires, les salariés sont déjà privés de l’indemnité de fin de contrat, qui indemnise pourtant la précarité induite par ce type de contrat » (7). Fallait-il vraiment en faire plus en matière de dissuasion ?

  1. article L. 1243-10, C. Trav.
  2. article 2, Loi n° 2022-1598 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi du 21 décembre 2022 (JO 22 décembre).
  3. futurs articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-11 du Code du travail.
  4. Décision du Conseil constitutionnel n°2022-884, 15 décembre 2022.
  5. article R. 5411-14 et L. 5411-6-1 C. Trav. Ce projet personnalisé précise « la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés » (zone géographique privilégiée, niveau de salaire attendu).
  6. article L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3, C. Trav.
  7. Olivier Adam, « Vers un changement de paradigme pour l’assurance chômage», Gazette du Palais, n°41, p.47, 13 décembre 2022.  

Pour aller plus loin ...