L’obligation pour l’employeur d’aménager la charge de travail des représentants du personnel

 

Entre les heures de délégation dont dispose l’élu et les réunions du CSE, le représentant du personnel ne peut pas consacrer autant de temps à son activité professionnelle qu’un salarié « lambda ». Il est nécessairement moins disponible sur le plan professionnel. Mais alors, comment trouver un équilibre ? 

Le Code du travail prévoit que « l’employeur laisse le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions » aux membres titulaires du CSE[1]. L’employeur a l’obligation d’aménager le temps et la charge de travail des représentants du personnel. 

 

 

La Cour de cassation précise que pour permettre au représentant du personnel d’assurer son mandat CSE, l’employeur doit, aménager son poste de travail, sa charge de travail et ses objectifs professionnels (Cass. Soc., 6 juillet 2010, n°09-41.354 et CA Grenoble, 19 décembre 2019, n°18/04112).

Illustration récente – Cass. Soc., 3 juillet 2024, n°22-22.283 :

Un salarié, membre élu au CSE, réclame à son employeur un rappel de commissions et de primes sur objectifs qui ne lui ont pas été versées. L’employeur refuse au motif que le salarié n’a pas atteint les objectifs préalablement fixés.

Les juges du fond limitent la condamnation de l’employeur au motif que le salarié se borne à soutenir que les objectifs fixés unilatéralement par ce dernier n’étaient pas réalisables en raison de ses heures de délégation sans pour autant préciser en quoi l’exercice des heures de délégation avait un impact sur son activité commerciale.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel !

Elle rappelle que d’une part, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation qui doit la prouver ; et que d’autre part, c’est à celui qui se prétend libérer d’une obligation de justifier le fait qui a produit l’extinction de ladite obligation (article 1353 du Code civil).

Dès lors « en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur d'établir que les objectifs qu'il avait fixés au salarié étaient réalisables notamment au regard des heures de délégation du salarié, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ».

S’il y a bien une chose à retenir, c’est qu’il appartient à l’employeur d’établir que les objectifs qu’il avait fixés au salarié étaient réalisables, notamment au regard de ces heures de délégation.

Ainsi, l’employeur doit prendre en compte l’ensemble des activités du salarié (activité commerciale et activité représentative) pour fixer unilatéralement les objectifs à atteindre. 

NUANCE

L’aménagement de la charge de travail doit se faire en veillant à préserver l’intérêt du travail et à maintenir les possibilités d’évolution professionnelle. Il ne faudrait pas que le représentant du personnel connaisse, au terme de son mandat, une perte de qualification ou de compétence.
Il faut donc veiller aux mesures proposées en guise d’aménagement des objectifs et de la charge de travail, car le représentant du personnel ne doit pas être cantonné, le temps de son mandat, à des tâches secondaires ou en inadéquation avec ses compétences professionnelles.

Le représentant du personnel est, par essence, moins présent pour ses activités professionnelles. Alors, qu’en est-il de l’évolution de votre carrière professionnelle lorsque vous êtes également élu au CSE ?  

L’employeur a certaines obligations en la matière afin de favoriser l’évolution professionnelle dans la carrière du salarié élu au CSE. 

Un entretien en début de mandat avec l’employeur : 

Tout d’abord, sur la demande du membre titulaire du CSE, l’employeur doit convenir d’un entretien de début de mandat. Il porte sur les modalités pratiques d’exercice du mandat au sein de l’entreprise au regard de l’emploi occupé. Attention, il ne remplace pas l’entretien professionnel sur les perspectives d'évolution professionnelle. Lors de cet entretien, l'élu au CSE peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (Article L. 2141-5 du Code du travail). 

L’objectif d’un tel entretien est d’apprécier les répercussions possibles des activités de représentant du personnel sur l’exercice de l’activité professionnelle et, en conséquence, adapter la charge de travail ainsi que les objectifs professionnels.

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En savoir plus

Un entretien en fin de mandat avec l’employeur : 

Pour qui ? 

  • Dans les entreprises d’au moins 2000 salariés, tous les élus titulaires du CSE bénéficie d’un entretien de fin de mandat.

  •  Dans les entreprises de moins de 2000 salariés, cet entretien est réservé aux élus dont les heures de délégation représentent au moins 30% de leur durée de travail.

 

 

Entretien professionnel et entretien de fin de mandat ? 

Contrairement à l’entretien de début de mandat qui est bien distinct de l’entretien professionnel, ici l’employeur se doit d’organiser l’entretien professionnel en fin de mandat. De ce fait, l’entretien de fin de mandat ne semble pas autonome de l’entretien professionnel organisé par l’employeur. 

Ainsi, le représentant du personnel dont le mandat dure quatre ans bénéficiera d’un entretien professionnel en milieu de mandat, puis d’un second entretien professionnel à la fin de son mandat (pour rappel, un entretien professionnel doit être organisé, en principe, tous les deux ans).

Quel objectif ? 

L’objectif d’un tel entretien est de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise pour le salarié. Concrètement, l’employeur est tenu de recenser les nouvelles compétences acquises par le représentant du personnel (article L. 6112-4 du code du travail). 

Il faut noter que certains accords d’entreprise prévoient les modalités concrètes du déroulement de ces entretiens de façon à favoriser l’évolution professionnelle du salarié. 

Bon à savoir : les dispositions de l’article L. 2141-5 du Code du travail relatives aux entretiens de début et de fin de mandat sont d’ordre public. L’employeur ne peut pas y déroger.

La garantie d’évolution de la rémunération pour les élus du CSE

Le Code du travail prévoit une évolution de la rémunération « au moins égale, sur l’ensemble de la durée du mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable » (article L. 2141-5-1 du Code du travail). 

À défaut de salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable, l’évolution de la rémunération est au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise. 

Un accord collectif de branche ou un accord d’entreprise peut préciser les modalités d’évolution de la rémunération. Toutefois, il doit être au moins aussi favorable que la loi. 

Quels élus du CSE sont-ils concernés par cette garantie ? Seuls les élus dont les heures de délégation représentent au moins 30% de leur durée de travail sont concernés par cette garantie d’évolution de la rémunération.

La Cour de cassation a affirmé que la comparaison de l'évolution de la rémunération entre un représentant du personnel et ses collègues, salariés non élus, doit être effectuée annuellement (Cass. Soc., 20 décembre 2023, n° 22-11.676).

Bon à savoir : les dispositions de l’article L. 2141-5-1 du Code du travail relatives à la garantie de l’évolution de la rémunération sont d’ordre public. L’employeur ne peut pas y déroger. Toute mesure contraire prise par l'employeur est considérée comme abusive et donne lieu à l'octroi de dommages et intérêts.

L’interdiction de toute discrimination au regard des fonctions représentatives du salarié

Votre employeur est dans l’obligation d’aménager vos activités professionnelles afin de vous permettre d’exercer vos fonctions représentatives. Plus encore, il ne doit pas, du fait de vos fonctions représentatives, vous traitez d’une manière moins favorable dans vos activités professionnelles que les salariés non élus au CSE.

Le Code du travail prohibe toute discrimination en raison, notamment, de l’exercice d’un mandat électif (article L. 1132-1 du Code du travail).

  • Par exemple, le salarié qui n’a bénéficié d’aucune progression indiciaire, ni d’aucune augmentation de salaire significative depuis son élection au CSE, contrairement à des salariés placés dans la même situation professionnelle, mais non élus au CSE, a manifestement été victime d’une discrimination.

La Cour de cassation a récemment reconnu : « le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination » (Cass. Soc., 24 novembre 2021, n°20-15.871).

Par ailleurs, il a été jugé que la mention sur les fiches d’évaluation d’un représentant du personnel de son faible temps de présence dans l’entreprise et de ses absences fréquentes et non prévisibles, lesquelles étaient liées à l’exercice de ses fonctions syndicales, était de nature à laisser supposer une discrimination syndicale (Cass. Soc., 23 octobre 2019, n°18-14.976).

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