La reconnaissance d’un usage à des conséquences importantes puisqu’une pratique reconnue officiellement comme étant un usage va contraindre l’employeur et l’engager pour l’avenir (dans certaines limites).
Les pratiques/avantages pouvant être qualifiés d’usage sont très variables. Il peut s’agir d’une prime, des tickets-restaurant, de congés supplémentaires, des frais kilométriques, des pratiques relatives au fonctionnement du CSE, etc.
L’essentiel est de s’assurer que la pratique/avantage réponde à la définition de l’usage.
C’est la Cour de cassation qui est venue définir l’usage d’entreprise :
« la prime litigieuse remplissait les caractères de constance, généralité et fixité et qu'il en résultait qu'elle constituait un usage » (Cass. Soc., 15 avril 1992, n°88-44.439).
« la prime en cause, dite de qualité, n'avait pas les caractères de constance, de généralité et de fixité qui auraient permis de la rattacher à un usage » (Cass. Soc., 7 février 2004, n°01-46.042)
Ainsi, une pratique/avantage devient un usage lorsqu’elle répond à 3 conditions cumulatives :
Première condition : la pratique doit être GENERALE
Deuxième condition : la pratique doit être CONSTANTE
Troisième condition : la pratique doit être FIXE
Les 3 conditions sont cumulatives. Autrement dit, si une des conditions fait défaut, l’usage ne pourra pas être reconnu.
LA GENERALITE
L’avantage doit être accordé à tous les salariés de l’entreprise ou à une catégorie précise de salariés tant que cette catégorie respecte l’égalité de traitement et le principe de non-discrimination. Ainsi, il est possible de reconnaître un usage lorsque l’avantage n’est accordé qu’au personnel d’encadrement (Cass. Soc., 27 mai 1987, n°82-42.115).
La condition de généralité est respectée si l’avantage concerne un groupe homogène de salarié, une collectivité de salarié. Autrement dit, un groupe de salarié avec des considérations, des intérêts et des contraintes similaires.
A l’inverse, il ne s’agira pas d’un usage, si l’avantage n’est accordé qu’à un salarié ou à plusieurs salariés individuellement : « les avantages réclamés par la salariée avaient été discrétionnairement accordés par l'employeur aux autres salariés, à des dates différentes, à titre de récompense et sans aucune règle précise ; elle a pu en déduire que leur octroi ne constituait pas un usage dans l'entreprise » (Cass. Soc., 16 mars 1989, n°86-45.428).
Ce n’est pas le nombre de salariés qui est essentiel, même si celui est un indice. C’est la notion de collectivité qui est indispensable : « Le critère de généralité est rempli lorsque l'avantage est versé à l'unique représentant d'une catégorie de personnel » (Cass. Soc., 21 juin 2023, n°21-22.076). La catégorie professionnelle permet, par exemple, de déterminer une collectivité de salariés.
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En savoir plusLA CONSTANCE
L’avantage doit être accordé plusieurs fois (répétition) en respectant une certaine périodicité (périodique).
« Une pratique isolée de l'employeur ne saurait, faute d'être constante, générale et fixe, constituer un usage d'entreprise » (Cass. Soc., 22 juin 2011, n°10-14.196)
Il n’y a pas de durée minimale à respecter, ce sont les juges qui apprécient au cas par cas, si la condition est respectée. Une durée de 3 ans a été validée par les juges (Cass. soc., 20 juin 1984, n°81-42.917).
LA FIXITE
L’avantage accordé aux salariés doit être fixe :
Soit dans son montant
Soit dans son mode de calcul
Soit dans les conditions d’octroi
Si l’avantage repose sur un mode de calcul déterminé, la condition de fixité est remplie : « les juges du fond ont constaté que son versement avait été effectué selon un mode de calcul déterminé conférant à cette prime un caractère de fixité » (Cass. soc., 26 nov. 1987, no85-42.946).
Autrement dit, le montant de l’avantage n’a pas à être identique tant que son mode de calcul est fixe, c’est le cas d’une prime indexée sur l’inflation par exemple ou indexée sur l’évolution des salaires : « dont le montant, en progression constante, suivait l'évolution des salaires et ne dépendait pas des résultats de l'entreprise » (Cass. Soc., 16 mars 1989, n°87-41.105)
A l’inverse, dès que le montant de la prime ou son mode de calcul est laissé au libre-arbitre de l’employeur, l’avantage ne répond pas au critère de fixité : « la prime de fin d'année variait chaque année dans son montant et ne répondait à aucun critère précis, le conseil de prud'hommes a pu en déduire qu'elle ne revêtait aucun caractère de fixité, susceptible de la rendre obligatoire pour l'employeur » (Cass. Soc., 6 juin 2001, n°99-42.372)
La réunion des 3 conditions permet aux salariés de revendiquer l’existence d’un usage et donc le maintien de l’avantage.
En cas de litige, ce sont les juges qui apprécient souverainement la reconnaissance ou non d’un usage.
Il est important de distinguer l’usage de l’erreur : l’erreur même répétée n’est pas créatrice de droit contrairement à l’usage. L’usage repose sur une volonté implicite de l’employeur d’accorder aux salariés un avantage contrairement à l’erreur.
Attention, l’usage à une valeur juridique « limitée ». En effet, l’employeur peut à tout moment, sans justification, modifier ou supprimer l’usage. Il ne s’agit pas d’un droit acquis ad vitam æternam.
L’employeur doit, toutefois, respecter une procédure stricte pour modifier ou supprimer un usage. A défaut, les salariés sont en droit de réclamer l’avantage qui n’a pas été régulièrement dénoncé.
Il existe une exception : l’usage prend fin automatiquement lorsqu’un accord collectif a été conclu sur le même objet. Dans une telle situation, l’accord met mécaniquement fin à l’usage sans que l’employeur n’ait besoin de respecter la procédure de dénonciation.
La procédure repose sur trois étapes :
La consultation du CSE
L’information individuelle des salariés
Le respect d’un délai de prévenance
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Ça m'intéresse !La consultation du CSE
La consultation du CSE doit précéder l’information individuelle des salariés. En effet, la consultation préalable permet aux élus d’ouvrir une éventuelle négociation (Cass. Soc., 30 mai 2001, n°99-40.933)
« La dénonciation d'un usage dans l'entreprise implique que (…) cette information soit donnée en réunion du comité après inscription à l'ordre du jour ; d'où il suit que l'arrêt, qui a constaté que cette information n'avait été diffusée que par lettres individuelles adressées aux représentants du personnel a exactement décidé que la dénonciation de l'usage était irrégulière » (Cass. Soc., 5 janvier 2005 n°02-42.819)
L’information individuelle des salariés
L’employeur doit informer individuellement les salariés concernés par l’usage. Ainsi, chaque salarié doit recevoir individuellement une lettre recommandée ou une lettre remise en main propre ou un courriel.
Le respect d’un délai de prévenance
L’employeur doit respecter un délai entre la dénonciation (information du CSE et des salariés) et la suppression définitive de l’usage. On parle de « préavis » de « délai de prévenance ».
Aucun texte ne précise la durée de ce délai. L’employeur doit respecter un délai de prévenance raisonnable. Une fois encore, ce sont les juges qui apprécieront si le délai est raisonnable ou non au cas par cas selon l’avantage concerné.
La Cour de cassation a considéré comme suffisant un délai de 2 mois et insuffisant un délai inférieur à 1 mois (Cass. soc., 7 juin 1995, n° 91-44.919, Cass. soc., 3 mars 1993, n° 89-45.785).
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