La résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié : définition
La résiliation judiciaire du contrat de travail permet au salarié d’invoquer des manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles devant le conseil de prud’hommes (CPH) afin de demander la rupture de son contrat. Il s’agit donc d’un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.
Par la suite, le CPH vérifie les manquements signalés par le salarié, même s’ils sont anciens (Cass. soc., 30 juin 2021, n°19-18.533 et Cass. soc., 27 septembre 2023, n°21-25.973), puis va :
- Accepter la résiliation judiciaire.
- Ou ne pas la valider.
Pendant la durée de la procédure, le salarié doit continuer à travailler comme précédemment.
La résiliation judiciaire du contrat peut être demandée par :
● Le salarié en contrat à durée indéterminée (CDI).
● Le salarié en contrat à durée déterminée (CDD) uniquement en cas de faute grave de l’employeur.
Quels sont les motifs qui justifient les manquements de l’employeur ?
Les manquements graves de l’employeur peuvent se justifier par plusieurs motifs, par exemple :
- Le manquement à une obligation de sécurité, comme lorsque l’employeur ne prend pas de mesures pour remédier à une situation provoquant des souffrances physiques ou psychologiques chez un salarié.
- Le manquement aux règles d’hygiène.
- La tenue de propos dégradants portant atteinte à la dignité du salarié (Cass. soc., 7 février 2012, n°10-18.686).
- Les faits de harcèlement.
- La modification de l’organisation du temps de travail du salarié ou de son temps de repos ayant des conséquences importantes sur sa vie personnelle. Par exemple, une convention de forfait jours qui ne respecte pas les garanties exigées (Cass. soc.,16 octobre 2019, n°18-16.539) ou le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc., 9 octobre 2013, n°12-21.807).
- La suppression d’un véhicule professionnel ayant pour conséquence de mettre le salarié dans l’impossibilité de travailler.
- Le défaut de paiement du salaire ou des heures supplémentaires.
- Une modification du mode de rémunération, avec un impact important, sans l’accord du salarié.
En revanche, les motifs suivants n'empêchent pas la poursuite du contrat et ne justifient pas une résiliation judiciaire :
- Une modification unilatérale ne touchant qu’une très petite partie de la rémunération (Cass. soc., 12 juin 2014, n°12-29.063).
- Une modification unilatérale de la rémunération sans influence défavorable sur son montant (Cass. soc., 12 juin 2014, n°13-11.448).
- La signature d’une convention de forfait en jours nulle sans autre fait concomitant (Cass. soc., 2 mars 2022, n°20-11.092).
Même si certains faits énumérés ci-dessus ne justifient pas la résiliation judiciaire du contrat, ils sont tout de même représentatifs de manquements de l’employeur envers ses obligations. Il peut tout de même, dans ce cas, être obligé de dédommager le salarié ou de revenir à la situation antérieure.
Comment le salarié doit-il demander une résiliation judiciaire ?
Pour demander une résiliation judiciaire, le salarié doit saisir le conseil de prud’hommes.
Que se passe-t-il en cas de refus de la résiliation judiciaire du contrat de travail par le CPH ?
En cas de refus de la résiliation judiciaire du contrat de travail par le CPH, le salarié doit reprendre son poste aux conditions habituelles. En effet, dans cette procédure, le contrat de travail n’est pas rompu.
Si l’employeur, et ce même au dernier moment, a régularisé la totalité des manquements qui auraient pu justifier la résiliation judiciaire, alors celle-ci pourra être rejetée (Cassation sociale, 29 janv. 2014, n°12-24.951).
Que se passe-t-il en cas d’acceptation de la résiliation judiciaire ?
Lorsque la résiliation judiciaire est acceptée par le CPH, le contrat de travail est rompu à partir de la date du jugement.
Cette résiliation judiciaire est prononcée aux torts exclusifs de l’employeur. Dès lors, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
En conséquence, l’employeur doit verser au salarié :
- Une indemnité de licenciement.
- Une indemnité compensatrice de congés payés.
- Une indemnité de préavis.
- Une indemnité pour licenciement injustifié ou nul.
- Les sommes éventuellement dues en cas de rupture de contrat (primes, épargne salariale, etc.).
Suite à la rupture du contrat, le salarié peut également bénéficier d’une allocation de retour à l’emploi (ARE), sous condition, après son inscription à France Travail (ex-Pôle Emploi).
Date de la résiliation : cas particuliers
Si le contrat de travail est rompu, alors que la résiliation judiciaire n’a pas été encore prononcée par le juge, alors elle prendra effet au jour de la rupture (Cass. soc., 15 mai 2007, no04-43.663). Cependant, il faut que l’employeur puisse démontrer qu’à la date du jugement de la résiliation judiciaire, le salarié n’était plus à son service (Cass. soc., 28 septembre 2022, n°21-18.122).
Cas de la coexistence de plusieurs actions
Du fait du délai entre la demande de résiliation judiciaire au CPH et son acceptation ou son refus par les juges, il est possible que d’autres évènements viennent affecter le contrat de travail.
Résiliation judiciaire et rupture conventionnelle
Ainsi, le salarié peut saisir le CPH en demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail puis signer une rupture conventionnelle avec son employeur avant la date du jugement.
Dès lors, si le salarié ne se rétracte pas dans les 5 jours suivant la signature de la rupture conventionnelle et que sa validité n’est pas contestée dans le délai d’un an, la demande de résiliation devient sans objet.
Résiliation judiciaire et licenciement
L’employeur peut licencier un salarié postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire pour des faits différents de ceux évoqués dans la demande.
Le juge va alors, d'abord, se prononcer sur la résiliation judiciaire :
- Si celle-ci est justifiée, le contrat est rompu aux torts de l’employeur.
- Si elle ne l’est pas, le juge doit statuer sur le licenciement.
Résiliation judiciaire et adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle
L’adhésion à un CSP rompant le contrat de travail antérieur, la demande postérieure de résiliation judiciaire du contrat est sans objet (Cassation sociale, 20 octobre 2021, n°19-24.596).
Résiliation judiciaire et démission
Un salarié ayant fait une demande de résiliation judiciaire peut démissionner. En conséquence, sa demande de résiliation judiciaire devient sans objet.
Il peut, dès lors, demander la requalification de sa démission en prise d’acte ou demander réparation. Le juge se prononcera alors sur les manquements de l’employeur ayant justifié la demande de résiliation, mais aussi ceux qui se seront déroulés ensuite (Cass. soc., 30 avril 2014, n°13-10.772).
Résiliation judiciaire d’un salarié protégé
Lorsqu’un salarié protégé, par exemple un élu CSE, demande la résiliation judiciaire de son contrat, le juge doit apprécier les manquements reprochés à l’employeur en se basant sur le contrat de travail et sur les exigences spécifiques au mandat du salarié (Cassation sociale, 27 mai 2009, n°08-42.555).
Un salarié protégé qui obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail ne peut pas ensuite être réintégré même si la rupture produit les effets d’un licenciement nul (Cass. soc., 3 octobre 2018, n°16-19.836). Cependant, il peut examiner la réintégration du salarié protégé si celui-ci abandonne sa demande de résiliation en cours d’instance (Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-23.148).
Attention, les juges ne peuvent pas se prononcer sur la demande de résiliation d’un salarié protégé licencié sur autorisation, même si la saisine est antérieure à la rupture.
Différence entre prise d’acte et résiliation judiciaire du contrat de travail
La prise d’acte et la résiliation judiciaire sont deux modes différents de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.
En effet, lors d’une prise d’acte, le contrat de travail est rompu dès sa demande. Par la suite, le juge doit statuer sur la qualification de la rupture : démission ou licenciement. Alors, que dans le cas de la résiliation, c’est le juge qui doit déclarer la rupture du contrat. Dans le cas d’un refus, le contrat de travail reste valable et le salarié conserve son poste aux conditions antérieures.
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