La prise d’acte de la rupture du contrat de travail : définition
La prise d’acte est une façon de rompre, pour un salarié, son contrat de travail à durée indéterminée (CDI), titulaire d’un mandat représentatif ou non.
Celle-ci peut avoir lieu lorsqu’un salarié décide de rompre son contrat de travail, car il estime que le comportement de l’employeur rend impossible la poursuite de leur relation contractuelle au sein de l’entreprise.
Pour les salariés en contrat à durée déterminée (CDD), l’article L.1243-1 ne permet la rupture anticipée du contrat qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude. La prise d’acte n’est donc possible que si le salarié reproche une faute grave à son employeur.
Avec quels motifs un salarié peut-il justifier une prise d’acte ?
La justification d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit obligatoirement être la constatation de manquements graves de l’employeur.
Le Code du travail ne définissant pas exactement cette notion d’actes suffisamment graves, il est possible d’utiliser la jurisprudence pour en comprendre le sens.
Il peut s’agir, par exemple :
- De non-paiement du salaire, par exemple, dans le cas d’une modification unilatérale de la rémunération du salarié (Cass. soc., 18 janvier 2012, n°10-23.332) ou encore du non-paiement d’heures supplémentaires faites régulièrement (Cass. soc., 16 mars 2011, n°08-42.218).
- De harcèlement ou de violences morales, physiques ou sexuelles (Cass. soc., 30 octobre 2013, n°12-15.133 et Cass. soc., 12 juin 2014, n°13-13.951)
- De modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, par exemple avec le retrait injustifié d’un véhicule de fonction (Cass. soc., 16 décembre 2015, n°14-19.794).
- De l’absence volontaire d’organisation de visites médicales obligatoires (Cass. Soc. 8 février 2017, n°15-14874).
- Du non-respect du droit au repos hebdomadaire (Cass. soc., 7 octobre 2003, n°01-44635).
- Du passage imposé à un horaire de nuit (Cass. soc., 14 janvier 2015, n°13-25.767) ou d’un temps plein à un temps partiel (Cass. soc., 23 septembre 2014, n°13-18.004).
- Etc.
En revanche, les faits suivants ne peuvent pas servir à justifier une prise d’acte :
- Un retard dans le versement des salaires s’il est justifié par un retard dans le versement de subventions à l’employeur (Cass. soc., 26 septembre 2012, n°10-28.242).
- Le non-paiement plusieurs fois par l’employeur d’un élément de rémunération contractuel puis régularisé avant la prise d’acte (Cass. soc., 21 avril 2017, n°15-19.353).
Quelle procédure pour une prise d’acte de la rupture du contrat de travail ?
Il faut tout d’abord savoir que la prise d’acte est possible à tout moment, à l’exception de la période d’essai (Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2012, n°10-27525).
Pour l’effectuer, le salarié doit informer son employeur de sa décision de rompre son contrat de travail en lui indiquant les faits qu’il lui reproche. Dans la pratique, il n’existe dans la loi aucun formalisme à respecter. Cependant, il est conseillé de le faire via une lettre contre décharge ou par voie postale avec accusé de réception afin de constituer une preuve en justice.
La date effective de rupture du contrat prend effet le jour où le salarié cesse de travailler.
Dans le cas d’une prise d’acte, le salarié n’est pas obligé d’effectuer un préavis.
Que doit faire le salarié suite à sa prise d’acte ?
Suite à sa prise d’acte, le salarié doit saisir le conseil de prud’hommes (CPH).
Le juge va ainsi pouvoir vérifier les motifs avancés par le salarié pour justifier sa prise d’acte de rupture du contrat de travail.
Après un examen du dossier, le juge va requalifier la prise d’acte en démission, ou en licenciement.
Selon l’article L.1451-1 du Code du travail, le conseil de prud’hommes dispose d’un délai de 1 mois pour rendre sa décision.
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Je me renseigne !La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est définitive. Le salarié ne peut pas demander sa réintégration dans l’entreprise par la suite (Cour de cassation, Chambre sociale, 9 mai 2013, n°12-15.974).
Prise d’acte et requalification en démission
Si le CPH considère que les faits reprochés à l’employeur ne sont pas suffisamment graves, alors le CPH requalifie la prise d’acte en démission du salarié.
Dès lors, l’employeur peut réclamer auprès du CPH, le paiement par le salarié d’une indemnité compensatrice de préavis au vu que celui-ci n’a pas été effectué, ainsi que des dommages et intérêts si la rupture est considérée comme abusive.
De son côté, le salarié recevra de l’employeur :
- Une indemnité compensatrice de congés payés.
- Les diverses sommes qu’il aurait dû toucher en cas de rupture de contrat (primes, épargne salariale, etc.).
Prise d’acte et requalification en licenciement
Si le CPH reconnaît la prise d’acte, alors celle-ci est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
L’employeur devra donc verser au salarié :
- Son indemnité de licenciement.
- Son indemnité compensatrice de congés payés.
- Son indemnité de préavis.
- Son indemnité pour licenciement injustifié ou nul.
- Les sommes éventuellement dues en cas de rupture de contrat (primes, épargne salariale, etc.).
Les documents que doit remettre l’employeur suite à une prise d’acte
L’employeur doit remettre au salarié les documents suivants :
- Le reçu pour solde de tout compte.
- L’attestation France Travail (ex-Pôle emploi).
- Son certificat de travail.
- L’état récapitulatif des dispositifs de participation, d’intéressement, des plans d’épargne salariale et de l’ensemble des sommes épargnées.
Indemnités chômage et prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La possibilité ou non pour le salarié de toucher des indemnités de chômage va dépendre de la décision du CPH.
En effet, lorsque la prise d’acte est requalifiée en démission, alors le salarié ne peut pas toucher d’indemnités.
Alors que, s’il en remplit les conditions, le salarié dont la prise d’acte de la rupture du contrat de travail a été requalifiée en licenciement peut toucher l’allocation de retour à l’emploi (ARE). Il percevra ses indemnités de chômage dès la décision des juges du CPH.
Salariés protégés et prise d’acte : quelles spécificités ?
Les salariés protégés, et donc les élus du CSE en autre, peuvent également faire une demande de prise d’acte.
La requalification de la prise d’acte du salarié protégé
La différence se situe dans la requalification de la prise d’acte pour les salariés titulaires d’un mandat représentatif. Ainsi, elle peut être requalifiée en :
- Licenciement nul pour violation d’un statut protecteur si la prise d’acte est justifiée.
- Démission si la prise d’acte n’est pas justifiée.
C’est le statut du salarié le jour de la prise d’acte qui a de la valeur pour les juges du CPH. En effet, même si les manquements graves de l’employeur sont intervenus alors qu’il n’était pas encore un salarié protégé, mais qu’il l’ai devenue par la suite, c’est son statut, au jour de la prise d’acte, et donc de la rupture, qui est pris en compte.
La Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2024, n°22-16095) a ainsi jugé le cas d’une modification unilatérale du contrat de travail d’une salariée non-protégée intervenu le 1er novembre 2014, et dont la prise d’acte de rupture de son contrat a eu lieu le 13 mai 2016, alors qu’elle était devenue représentante de section syndicale (et donc salariée protégée) entre temps. Dans cette situation, le juge a pris en compte le statut protecteur du salarié, soit son statut au moment de la prise d’acte, et a reconnu le licenciement nul pour violation du statut protecteur.
Les indemnités du salarié protégé en cas de prise d’acte justifiée
En cas de prise d’acte justifiée, le salarié protégé va toucher les mêmes indemnités que le salarié non protégé, à la seule différence que l’indemnité pour licenciement justifié est remplacée par l’indemnité pour licenciement nul.
Selon l’article L1235-11 du Code du travail, l’indemnité pour licenciement nul ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaires.
De plus, le salarié protégé peut demander une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur qui est égale aux salaires qu’il aurait perçus entre la rupture du contrat de travail et l’expiration de sa période de protection dans la limite de 2 ans, augmentée de 6 mois (soit 30 mois maximum) (Article L1235-3-1 du Code du travail et Cour de cassation, Chambre sociale, 15 avril 2015, n°13-27211).
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