Changement de lieu de travail
De nombreux salariés sont confrontés à ces situations : affectations temporaires, mutations définitives ou déplacements dans le cadre habituel de leurs fonctions.
Savoir quand un employeur peut changer votre lieu de travail et quels sont vos droits est essentiel pour protéger votre vie personnelle et éviter les mauvaises surprises. Dans cet article, nous vous proposons un guide clair et pratique pour comprendre vos obligations et vos protections en matière de mobilité.
« Puis-je refuser si mon employeur veut changer mon lieu de travail et alors même que je n’ai pas de clause de mobilité dans mon contrat de travail ? »

Le principe : même secteur géographique, pas besoin de votre accord
Selon la jurisprudence, la mention du lieu de travail dans le contrat n’a, en principe, qu’une valeur d’information, sauf si le contrat contient une clause claire et précise stipulant que le salarié exécutera son travail exclusivement à ce lieu (Cass. soc., 2 avr. 2014, n° 13-11.922).
En l’absence de clause de mobilité, si le nouvel établissement se trouve dans le même secteur géographique que l’ancien, il ne s’agit pas d’une modification de votre contrat de travail, mais seulement d’un changement des conditions de travail. Dans ce cas, l’employeur peut l’imposer, et votre refus peut même entraîner un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Quand parle-t-on de modification du contrat de travail ?
Dès que le nouveau lieu sort du secteur géographique, il s’agit d’une véritable modification du contrat de travail. Et là, votre accord est obligatoire. Si vous refusez, l’employeur ne peut pas vous sanctionner pour faute : un licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse.
En cas de refus, l'employeur a deux options :
renoncer à la modification
procéder à un licenciement sur le motif l'ayant poussé à proposer cette modification
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Contactez-nousComment les juges définissent-ils le « secteur géographique » ?

La Cour de cassation n’a jamais donné une définition précise. Les juges apprécient au cas par cas en fonction de plusieurs critères :
La zone concernée : région, bassin d’emploi, zone urbaine…
La distance : 30 ou 40 km peuvent être acceptés, mais pas toujours selon l’accessibilité.
Le temps de trajet et les transports disponibles : si le nouveau lieu allonge trop le temps de trajet ou complique les moyens pour s’y rendre, il peut être considéré comme un autre secteur géographique.
Exemples :
un salarié affecté à 80 km de son ancien poste, dans un autre bassin d’emploi, a pu refuser sans que cela justifie un licenciement (Cass. soc., 20 févr. 2019, n° 17-24.094).
un salarié muté à 40 km, mais sur une autoroute qui relie facilement les deux lieux, est considéré comme restant dans le même secteur géographique (Cass. soc., 12 déc. 2012, n° 11-23.762).
une salariée mutée à 35 km, sans transports en commun adaptés et avec des horaires difficiles, a pu refuser car cela modifiait son contrat (Cass. soc., 24 janv. 2024, n° 22-19.752).
Une exception importante : la vie personnelle et familiale
Même si le nouvel établissement est dans le même secteur géographique, vous pouvez invoquer une atteinte excessive à votre vie privée ou familiale (par exemple, horaires impossibles à concilier avec votre enfant en situation de handicap). Dans ce cas, le refus peut être justifié.
« Clause de mobilité : puis-je dire non à un changement de lieu de travail imposé par mon employeur ? »
La clause de mobilité est encadrée par la loi
La clause de mobilité n’est valable que si elle respecte certaines conditions :
elle doit définir clairement la zone géographique concernée,
elle ne doit pas donner à l’employeur la possibilité d’élargir unilatéralement cette zone,
elle doit être justifiée par les besoins réels de l’entreprise et proportionnée au poste occupé.
Si la clause ne respecte pas ces critères, elle peut être jugée illicite et donc inapplicable (Cass. soc., 2 oct. 2019, n° 18-20.353).

La clause est valable et mise en œuvre loyalement :
Lorsque la clause est licite et que l’employeur l’applique de manière loyale, le changement de lieu de travail est considéré comme un simple changement des conditions de travail.
Dans ce cas, vous ne pouvez pas refuser sans risque. Un refus pourrait justifier un licenciement.
Les limites à la clause de mobilité
Même si la clause de mobilité est valable, elle ne peut pas être appliquée de façon abusive. Elle ne doit pas servir de moyen de pression ou être mise en œuvre dans le seul but de nuire au salarié.
De la même manière, une mutation qui bouleverserait de façon excessive la vie personnelle et familiale, en imposant par exemple des trajets intenables ou des horaires incompatibles, pourrait être contestée. Enfin, l’employeur doit pouvoir justifier cette mobilité par des raisons sérieuses liées à l’activité de l’entreprise ; à défaut, le refus du salarié pourrait être considéré comme légitime.
Et pour les salariés itinérants ?
Un salarié itinérant peut être amené à changer temporairement de zone. Mais sans clause de mobilité, une affectation durable dans un autre secteur géographique constitue une modification du contrat de travail, que le salarié est en droit de refuser (Cass. soc., 11 juin 2025, n° 24-14.412).
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En savoir plus« Je suis un salarié dont le travail implique des déplacements : mon employeur peut-il m’imposer une mission ailleurs ? »
Les déplacements ponctuels dans le cadre du poste
Lorsqu’un poste comporte par nature une part de mobilité, l’employeur peut demander au salarié d’effectuer un déplacement ponctuel sans que cela constitue une modification du contrat de travail. La Cour de cassation rappelle ainsi qu’un salarié dont les fonctions incluent habituellement des déplacements doit accepter les missions occasionnelles décidées dans l’intérêt de l’entreprise (Cass. soc., 23 oct. 2024, n° 22-24.737).
Les conditions pour que le déplacement soit valable
Pour que cette obligation soit légale, plusieurs conditions doivent être respectées : le déplacement doit s’inscrire dans le cadre habituel des activités du salarié, rester temporaire, être justifié par les besoins de l’entreprise, et le salarié doit être prévenu dans un délai raisonnable, avec une indication de la durée prévisible de la mission (Cass. soc., 29 janv. 2025, n° 23-19.263).
L’intérêt d’une clause de déplacement dans le contrat
En pratique, il est fortement recommandé que le contrat de travail prévoie une clause de déplacement. Cela sécurise la situation et confirme que le salarié a accepté à l’avance d’assumer ce type de missions.
CONCLUSION :
Changer de lieu de travail n’est pas anodin pour un salarié. Entre mutation, déplacements ponctuels et clause de mobilité, il est essentiel de savoir ce qui peut vous être imposé et ce que vous pouvez refuser. Connaître vos droits vous permet d’anticiper, de protéger votre vie personnelle et de réagir sans vous laisser surprendre.
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