La rupture conventionnelle reste le mode de rupture le plus plébiscité par les salariés lorsque ces derniers souhaitent quitter l’entreprise. Mécanisme reposant sur le volontariat, le salarié se trouve souvent confronté à un refus de la direction. C’est dans ce contexte et en cas d’échec, que le premier réflexe des salariés était de se tourner vers la technique dite de l’abandon de poste. Comment ça fonctionne ? Quelles sont les limites ? Est-ce toujours aussi efficace ?
ABANDON DE POSTE ET FAUTE GRAVE : LE COMBO GAGNANT !
Quitter l’entreprise ne s’improvise pas et pour s’assurer une certaine sécurité, le salarié peut dans certaine situation chercher à bénéficier de ses droits à chômage. Lorsque l’initiative du départ relève du salarié, l’employeur peut être hostile à accepter une rupture conventionnelle au regard du coût que cette dernière peut représenter.
Entre maîtrise du coût pour l’employeur et souhait de bénéficier du chômage pour le salarié, l’alternative de l’abandon de poste pouvait se révéler un bon compromis.
La procédure mise en place était la suivante :
Le salarié s’absentait de son poste de travail et ne venait pas travailler ;
L’employeur laissait passer un délai d’au moins 48h ;
Il procédait par la suite à l’envoi d’un courrier dans lequel, il demandait au salarié de justifier son absence et l’invitait à reprendre son poste au plus vite (souvent en lettre recommandée avec accusé de réception) ;
Le salarié n’y donnait pas suite ;
L’employeur enclenchait l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ;
Entretien disciplinaire pour lequel, le salarié ne se déplaçait pas ;
Notification de la lettre de licenciement pour faute grave.
L’employeur est tenu de verser en cas de rupture conventionnelle une indemnité qui est au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Montant qui est à comparer avec celui de l’indemnité conventionnelle pour retenir celui le plus avantageux). Notez, que la direction est en plus obligée de s’acquitter d’une contribution spécifique représentant 30% du montant de ladite indemnité (Art. L. 1237-13 du Code du travail).
Toutefois cette dernière pouvait présenter des inconvénients à ne pas négliger :
Côté salarié, en l’absence de concertation et lorsque celui-ci souhait l’imposer, il pouvait se heurter au pouvoir disciplinaire. L’employeur en ayant la maitrise n’avais aucune obligation d’enclencher une telle procédure. Ainsi, plus le salarié s’absentait de son poste, plus la retenue de salaire était importante. De plus, l’employeur n’ayant pas mis en œuvre la procédure disciplinaire, le contrat du salarié était toujours existant, et ce dernier continuait toujours à faire partie des effectifs.
Côté employeur, cette technique pouvait vite présenter des inconvénients en le plaçant dans une situation d’insécurité juridique. La procédure ne reposait pas sur grand-chose et était montée de toutes pièces, un risque de contentieux pouvait être fort.
ABANDON DE POSTE ET PRÉSOMPTION DE DÉMISSION : LE CHÔMAGE MIS AU TAPIS
Partant du postulat qu’il n’était pas normal qu’un salarié en abandon de poste puisse toucher ses droits à chômage à la différence d’un salarié démissionnaire, le législateur est venu créer un dispositif pour remédier à cette situation.
Désormais depuis le 19 avril 2023, le salarié qui abandonne volontairement son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de revenir travailler, est présumé avoir démissionné (Art. L. 1237-1-1 du Code du travail).
Dans la pratique, l’employeur sera tenu d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception invitant le salarié à justifier son absence et de reprendre son travail. Le salarié disposera d’un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires pour reprendre son poste, à défaut il sera considéré comme démissionnaire (Art. R. 1237-13 du Code du travail).
Dans cette situation, le salarié considéré comme démissionnaire ne pourra pas s’ouvrir droit à chômage et le préavis de démission commencera à courir.
L’existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail (Art. L. 1237-1 du Code du travail).
Comment effectuer un préavis alors que le salarié a abandonné son poste ?
Dans la pratique le salarié ne reviendra pas à son poste de travail et n’effectuera pas son préavis. Néanmoins, la seule possibilité pour le salarié de ne pas l’effectuer est d’obtenir de la part de sa direction une dispense. Si tel n’est pas le cas, il est tenu de l’effectuer. Si ce dernier persiste à ne pas l’effectuer, l’employeur pourrait réclamer devant les juges une indemnité égale au salaire qui aurait été versé pendant toute la durée du préavis non exécuté (Cass. Soc., 29 mars 1995, n°19-44.584).
LA PRÉSOMPTION DE DÉMISSION FACE À LA CONTESTATION DU SALARIÉ
Si l’assimilation d’un abandon de poste à une démission place le salarié dans une situation moins confortable que la faute grave, cette situation peut donner lieu à contestation de la part du salarié.
Pour ce faire, le salarié devra :
Saisir le Conseil des prud’hommes directement en formation de bureau de jugement. À compter de sa saisine le juge dispose d’un délai d’un mois pour statuer,
Justifier d’un motif légitime (harcèlement, raison médicale, droit de retrait ou d’une faute de l’employeur, …)
PRÉSOMPTION DE DÉMISSION OU FAUTE GRAVE : DROIT D’OPTION ?
La question qui reste en suspens est de savoir si l’employeur dispose d’un droit d’option sur les deux dispositifs et notamment si ce dernier peut toujours solliciter la faute grave ?
La position du ministère du travail laissait penser à un dispositif exclusif sans pouvoir recourir au licenciement pour faute grave. Toutefois à ce jour le Conseil d’État a été saisi à double reprise pour excès de pouvoir contre le décret d’application. Actuellement, les affaires sont en cours, il conviendra de rester vigilant et d’attendre la décision des juges.
PRÉSOMPTION DE DÉMISSION ET ÉLUS DU CSE : MAÎTRISER POUR MIEUX ORIENTER
La complexité du droit du travail et la diversité de ses sources rend la matière peu accessible au grand public. Le présent dispositif en est l’illustration. Interlocuteur privilégié des salariés, les élus du CSE doivent répondre à des problématiques de plus en plus techniques.
Orienter et accompagner ne s’improvise pas, donnez-vous l’opportunité d’être accompagné par des experts dans le domaine. CELIADE a pour cœur de développer un accompagnement juridique à la hauteur des représentants du personnel. Faire du droit du travail une matière accessible et permettre aux élus du CSE de rétablir un équilibre face à la direction.
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