Accident du travail et maladie professionnelle :

accident de travail

la jurisprudence étend le champ de l’indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur

Les retombées possibles d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP) sont multiples et souvent insoupçonnées. Pour le salarié victime ou ses héritiers, faire reconnaître et indemniser l’ensemble des préjudices qui en résultent ne relève pas de l’évidence, loin s’en faut. C’est pourquoi la Cour de cassation, par deux arrêts d’assemblée plénière (1), a récemment ouvert la voie à une réparation facilitée des souffrances physiques et morales engendrées par un tel événement. Dès lors qu’une faute inexcusable de l’employeur a pu être établie.  

En principe, en cas d’AT/MP, le salarié obtient automatiquement une réparation. Elle lui est versée par la sécurité sociale. Cependant, celle-ci n’a qu’un caractère forfaitaire. Et elle ne couvre que les prestations en nature (soins), l’indemnisation de l’incapacité temporaire ou le versement d’une rente en cas d’incapacité permanente après la consolidation* de l’état de santé du salarié.

Le montant de cette rente pourra être majoré si une faute inexcusable de l’employeur est reconnue. Autrement dit, s’il est établi que celui-ci aurait dû avoir connaissance du risque et n’a pas pris les mesures à mêmes de l’éviter. Dans ce cas, la victime pourra également tenter de faire reconnaître d’autres préjudices résultant de l’accident ou de la maladie. Préjudice esthétique, préjudice dit d’agrément, préjudice économique par exemple. Et notamment un préjudice lié aux souffrances physiques et morales endurées après la consolidation de leur état de santé (2).

Pour obtenir cette dernière indemnisation, toutefois, la victime devait jusqu’ici démontrer que ses souffrances n’avaient pas déjà été indemnisées au titre du « déficit fonctionnel permanent »** couvert par la rente d’incapacité (3).

Lexique :

 

* Consolidation : Le terme désigne l’état définitif des séquelles dont est victime une personne. Il ne s’agit pas de la guérison mais plutôt de la fixation de l’état de santé de la victime.

** Déficit fonctionnel permanent :  Le terme désigne selon la jurisprudence les « atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales » après la consolidation de son état.

Désormais, la rente d’incapacité ne répare plus le déficit fonctionnel permanent

Dans ses deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation opère un revirement sur ce point. Elle estime notamment que si la jurisprudence antérieure « est justifiée par le souhait d’éviter les situations de double indemnisation du préjudice, elle est de nature néanmoins (…) à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci ». La Cour tient également compte des difficultés pour les victimes à rapporter la preuve de ce que la rente n’indemnise pas le préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent. Dans les deux affaires qui lui étaient soumises, il était question de deux salariés exposés aux poussières d’amiante. Ces salariés sont décédés des suites d’un cancer du poumon, reconnu comme maladie professionnelle et pris en charge à ce titre. Les ayants-droits des salariés, ayant dans les deux cas obtenus en justice la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, avaient toutefois rencontré des difficultés pour obtenir l’indemnisation des diverses souffrances physiques et morales subies après consolidation (traitements médicamenteux conséquents, caractère inéluctable de la maladie ayant conduit au décès en six mois, incapacité à accomplir seul les actes de la vie quotidienne, etc.). Désormais, nous dit la Cour, il faudra donc considérer que la rente d’incapacité ne comprend pas l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent. En cas de faute inexcusable de l’employeur, les victimes d’AT/MP pourront donc obtenir une réparation complémentaire au titre des souffrances physiques et morales sans avoir à prouver que la rente perçue ne couvre pas déjà ces préjudices.

  1. Cass. AP. 20 janvier 2023, n°20-23.673 et n°21-23.947.
  2. art. L. 452-3, Code de la sécurité sociale.
  3. Cass. Crim. 19 mai 2009, n° 08-86.050, Cass. 2e Civ., 11 juin 2009, n° 08-17.581. Cass. 2e civ.,28 février 2013, n° 11-21.015., Cass. 2eciv., 28 mai 2009 n°08-16.829.

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