Tout savoir sur le forfait-jours

Parmi les modalités d’aménagement du temps de travail, se trouvent les conventions de forfait. Le Code du travail en prévoit deux sortes : la convention de forfait en heures, et la convention de forfait en jours. 

La singularité du forfait en jours annuel est que ce dernier n’est pas basé sur un nombre d’heures de travail, mais sur un nombre de jours ou de demi-journées travaillées sur l’année. 

Classiquement, ce nombre de jours est fixé à 218 jours, journée de solidarité comprise. 

Ce nombre peut toutefois être inférieur à 218 jours. Il est même possible de conclure une convention de forfait-jours réduit (mais attention : il ne s’agit pas d’un « temps partiel » au sens du droit du travail !). 

218 jours : Pourquoi ?

Le législateur a fixé ce nombre par rapport au nombre de jours susceptibles d’être travaillés dans l’année. 

Le calcul est le suivant pour 2024 : 366 – 104 (repos hebdomadaires) – 25 jours de CP – 10 jours fériés tombant un jour ouvré = 227 travaillés. 

A cela, il faut déduire les jours de repos (227-218). Ici, cela fait 9 jours de repos. Le nombre de jours de repos varie donc en fonction du nombre de jours travaillés, et du nombre de jours fériés tombant sur un jour ouvré.

Ce forfait exonère l’entreprise des dispositions relatives aux heures supplémentaires et aux durées maximales journalière et hebdomadaire de travail. Les salariés ne sont donc plus soumis aux 35 heures, ni aux 10 heures de travail par jour et 48 heures par semaine. 

En contrepartie, le salarié bénéficie de plusieurs jours de repos supplémentaires. De plus, bien souvent, le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours aura le droit à une rémunération supérieure, tenant compte de la charge de travail qui lui est imposée. 

Toutefois, la mise en place du forfait-jours est subordonnée à l’existence d’un accord collectif, ainsi qu’à la conclusion d’une convention individuelle de forfait en jours. 

L’accord collectif est très important en ce qu’il prévoit, notamment : les salariés concernés, la période de référence du forfait, le nombre de jours travaillés, etc. (Article L3121-64 du Code du Travail)

La convention individuelle de forfait en jours, quant à elle, matérialise l’accord du salarié. En effet, s’agissant d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, l’accord du salarié est obligatoire. 

Attention : le fait de ne pas être soumis aux durées maximales de travail ne veut pas dire que l’entièreté du Code du travail ne s’applique plus. Les règles applicables aux repos (repos journalier et hebdomadaire), aux temps de pause, aux jours fériés, aux congés payés et à la journée de solidarité doivent être observées.

Statut cadre et forfait-jours : ce n’est pas une généralité !

S’il est vrai que le forfait en jours induit une forte autonomie dans l’organisation du temps de travail, tous les cadres ne bénéficient pas automatiquement de ce mécanisme.

Par ailleurs, l’inverse est également vrai : le forfait-jours n’est pas réservé qu’aux cadres. 

Le Code du travail prévoit que seuls certains salariés peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année (Article L3121-58) : 

  • D’une part, les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif ; 

  • Et d’autre part, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. 

On peut alors être cadre sans être au forfait-jours ; et être au forfait-jours sans être cadre !

Forfait-jours et horaires de travail : est-ce compatible ?

Le principe du forfait en jours repose sur l’autonomie dont disposent les salariés pour fixer leurs horaires de travail, et l’organisation de leur travail (Cass. soc., 21 nov. 2012, n° 11-10.829). 

Partant de ce critère, la Cour de cassation estime que l’obligation de respecter un planning est incompatible avec le régime du forfait en jours (Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 15-17.568). 

Seule inflexion : la possibilité, pour l’employeur, d’imposer des demi-journées ou des journées de présence en fonction de contraintes liées à l’activité de l’entreprise. 

Toutefois, cela n’est valable que lorsque ces journées ou demi-journées de présence obligatoires n’empêchent pas le salarié d’organiser sa journée comme il le souhaite, en dehors des contraintes et qu’il est libre de ses horaires (Cass., Soc., 2 février 2022, n°20-15.744). 

Par ailleurs, il reste possible d’imposer certaines sujétions (ex : assurer une fermeture de magasin), dès lors que cela ne remet pas en cause l’autonomie du salarié ! 

Il n’est donc pas possible d’imposer un planning ou des horaires fixes aux salariés en forfait-jours.

Dans le cas contraire, le salarié pourra se prévaloir, devant le conseil de prud’hommes de la nullité de sa convention. Une sanction qui, par extension, pourra découler sur le versement de différentes sommes (ex : rappel d’heures supplémentaires, dommages-intérêts).
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Forfait en jours : comment s’assurer de la charge de travail ?

Avec une telle autonomie laissée au salarié au forfait-jours pour la gestion de son emploi du temps, le Code du Travail prévoit cependant l’obligation pour l’employeur de s’assurer régulièrement de la charge de travail de ce dernier. 

L’accord collectif (d’entreprise, ou d’établissement), ou la convention collective mettant en place le forfait annuel en jours doit effectivement préciser les modalités de l’évaluation et du suivi régulier de la charge de travail, ainsi que celles sur la communication périodique sur la charge de travail. 

Le Code du travail prévoit un entretien annuel (Article L3121-65), permettant de s’assurer que la charge de travail du salarié soumis au forfait-jours n’est pas déséquilibrée. 

Cet entretien est également l’occasion de discuter de l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle, et de la rémunération du salarié. 

Toutefois, cet entretien ne peut pas être le seul garant du suivi régulier de la charge de travail ! 

Il peut être mis en place des entretiens plus réguliers : bimensuels, mensuels ou hebdomadaires. Par ailleurs, les entretiens peuvent être complétés par d’autres dispositifs : process d’alerte en cas de surcharge de travail, charte de droit à la déconnexion, etc. 

Au-delà du suivi de la charge de travail, il ne faut pas oublier que l’employeur doit s’assurer du respect des temps de repos. Il doit réaliser un décompte des journées travaillées, au moyen de l’outil de son choix. 

Travailler plus que 218 jours : c’est possible ?

La réponse est oui ! 

Le salarié peut en effet renoncer à tout ou partie de ses jours de repos, en contrepartie d’une majoration de salaire (Article L.3121-59 du Code du Travail). 

Dans un premier temps, il faut déterminer si l’accord mettant en place la convention de forfait prévoit un nombre maximal de jours travaillés dans l’entreprise en cas de renonciation aux jours de repos. 

L’accord peut par exemple prévoir que les salariés en forfait-jours ne peuvent travailler plus de 220 jours par an. Dans cette situation, sur un forfait de 218 jours le salarié ne pourra renoncer qu’à 2 jours de repos.

A défaut de stipulations sur ce point, le nombre maximal est de 235 jours travaillés (Article L3121-66 du Code du Travail). 

La renonciation aux jours de repos doit être matérialisée par un accord entre le salarié et l’employeur. 

A défaut d’accord, le salarié peut saisir le juge judiciaire pour que lui soit alloué une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, lorsqu’il perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées. 

Exemple

Ainsi, si l’employeur impose au salarié de dépasser le forfait-jours, et monétise l’intégralité de ses jours de repos, en appliquant la majoration minimale, soit 10% :

Puisqu’il n’y a pas d’accord entre les parties, que cela a été imposé par l’employeur, un juge pourra fixer une majoration au-delà du taux de 10% prévu par le Code du travail. En effet, ce montant est déterminé par le juge à l’occasion du litige.

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